Apres la mise en demeure adressée à Apple en Avril dernier, la RDC décide de passer à la vitesse supérieure, cette fois en annonçant des actions judiciaires et autres initiatives. C’est à la suite des accusations contre Apple d’acheter des minerais de contrebande de la RDC via le Rwanda.
Les avocats de la RDC, actuellement à Kinshasa, affirment que l’objectif est d’obtenir que l’entreprise américaine use de son influence, en agissant notamment en faveur du rétablissement de la paix dans l’Est de la RDC.
«Il faut agir. Il faut trouver des vecteurs d’influence. La compagnie Apple est un grand acteur au niveau international. Elle a un grand pouvoir qui s’approche du pouvoir de certains Etats. Et nous croyons qu’ils peuvent agir. Et s’ils n’agissent pas il y aura des conséquences judiciaires. Et nous allons mener cette campagne jusqu’au bout. Nous n’allons pas lâcher, » a déclaré à RFI Peter Sahlas, l’un des avocats internationaux engagés par l’Etat congolais.
Celui-ci insiste sur le fait que l’entreprise américaine utilise des minerais du sang congolais dans la fabrication de ses téléphones et ordinateurs.
« Nous croyons qu’avec cette action, nous allons pouvoir montrer à la fois, aux utilisateurs, aux acheteurs des téléphones qui se vendent aux États-Unis et en Europe, qu’il y a du sang dans les téléphones. Vous êtes complices quand vous achetez un téléphone. Tout le monde sait ce qui se passe dans l’Est de la RDC, mais personne n’en parle dans l’Occident. Alors tout le monde doit savoir ce qui se passe dans la chaîne d’approvisionnement du téléphone qu’ils ont dans leur poche. C’est tellement important pour nous, pour la transition écologique et technologique que nous vivons, il faut que la RDC fasse valoir ses droits. Il faut que la situation dans l’Est puisse changer, » insiste Peter Sahlas.
Une plainte en France et aux États-Unis
Depuis avril dernier, l’État congolais accuse le groupe Apple d’utiliser dans ses produits des minerais « exploités illégalement » qui proviendraient « de mines congolaises » au sein desquelles « de nombreux droits humains sont violés ».
Selon les avocats mandatés par la RDC, ces minerais seraient ensuite « transportés hors de la RDC et notamment vers le Rwanda, où ils seraient blanchis ».
Le dossier remis par la RDC indique que la société Apple utilise dans ses produits des minerais stratégiques achetés au Rwanda ; un pays considéré comme acteur central de l’exploitation illégale de minerais, notamment de l’étain et du tantale en RDC.
Cette mise en demeure a été adressée aux deux filiales d’Apple en France par les avocats français William Bourdon et Vincent Brengarth. Un courrier a également été envoyé à la maison-mère américaine du géant de la tech, qui commercialise notamment l’iPhone et les ordinateurs Mac.
Dans sa plainte, la RDC met en évidence les incohérences qui existent entre les affirmations d’Apple concernant la vérification de l’origine des minerais (étain, tantale et tungstène) et la réalité sur le terrain.
«Du sang dans les téléphones»
Pour Kinshasa, ces pratiques « illégales » comprenant la contrebande et le blanchiment d’argent « financent des groupes armés, alimentent la violence et exacerbent des crises humanitaires et environnementales » dans l’Est de la RDC, ravagé par la violence depuis 30 ans à la suite du génocide rwandais. Des dizaines de groupes rebelles sont actifs dans la région, se battant pour le contrôle des terres, ressources économiques, exacerbant les conflits ethniques.
« Il y a du sang des victimes congolaises. C’est certain. C’est documenté. Maintenant ce sont les enquêtes qui le démontreront. Les gens d’Apple, eux disent qu’ils achètent des produits propres. Or, nous savons qu’au Rwanda il n’y a même pas un gramme de minerais les plus prisés qui sont destinés à la fabrication de cette technologie-là. Donc, ça veut dire que ces minerais proviennent de quelque part. Et aujourd’hui il est avéré que c’est de la RDC qu’ils proviennent », a déclaré début mai dernier, le chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi.
Les accusations visant Apple et le Rwanda interviennent dans un contexte de tensions entre la RDC et son voisin, le Rwanda qu’elle accuse de soutenir des rebelles du M23 dans l’Est congolais.
Le sous-sol de la RDC regorge de minerais, le pays étant notamment le premier producteur mondial de cobalt et le premier producteur africain de cuivre.
Cependant, selon un rapport de l’ONG The Enough Project publié en 2015, ces sites de minerais sont souvent contrôlés par des groupes armés qui contraignent des civils à y travailler et à transporter ces minerais, parfois même en utilisant la violence et la terreur. Des enfants sont également forcés à travailler dans ces mines.