Le réseau des journalistes pour la justice transitionnelle section du Sud-Kivu organise depuis ce mois de décembre 2024 à Bukavu une émission dénommée « chronique sur la justice transitionnelle ». Cette émission organisée par des journalistes membres du réseau grâce à l’appui financier de Impunity watch offre un espace pour les victimes des crimes des années précédentes ( de 1996 à nos jours) enfin de partager les horribles souvenirs et réclamer justice.
C’est le cas Ntakwinja Bisimiwa Musanganya, habitante de Kaniola, en territoire de Walungu, qui a vu sa vie changée d’un coup en 2006 lors que six rebelles ont fait incursion dans sa maison tuant son mari et d’autres membres de sa famille dont son beau-père et son beau-frère.
Après meurtre de tous ses familiers, Ntakwinja a quant à elle été enlevée des éléments présumés FDLR et amenée dans la forêt où elle a passé trois mois. Elle n’a réussi à échapper que trois mois après de captivité lors qu’elle et une autre femme avec qui elle était en captivité ont été envoyées chercher la nourriture au marché.
« J’ai passé trois mois dans la forêt avant de m’échapper. Avec deux amies, nous avons fui jusqu’à la rivière de Nindja avant de regagner mon domicile à Walungu. Nous sommes revenues toutes malades . Mon mari m’a laissé cinq enfants, et mon bon fils a laissé cinq autres enfants. Nous vivons par la grâce de Dieu », témoigne-t-elle.
Ntakwinja M’Bisimwa, vit depuis lors dans l’incertitude, sans résidence fixe et sans emploi.
L’émission chronique sur la justice transitionnelle a également reçu Claude Dunia qui a parlé de son histoire tragique des années 1996-1997. Claude est un homme de plus d’une cinquantaine d’années. Vers les années 1997, il a accueilli chez lui à Bukavu des membres de sa famille venus du Maniema dont un homme et toute sa famille. Claude Dunia a été témoin de l’exécution sommaire de plusieurs personnes, dont tous ses visiteurs (le père, la mère et les deux enfants), au marché près de l’EDAP ISP.
“Nous avons vu des militaires tressés en mèches enterrer les corps. J’ai reconnu le papa grâce à ses vêtements”, raconte-t-il, la voix empreinte d’émotion.
Les souvenirs de cette journée tragique le hantent encore et le plongent de temps en temps dans un état de traumatisme.
“Les images peinent à disparaître de mon esprit. J’arrive à tenir grâce à la prière”, confie-t-il.
L’impact positif des organisations qui militent pour la JT sur le vécu de Claude Dunia et Ntakwinja M’Bisimwa
Dans leurs terrifiantes expériences, les deux victimes soutiennent avoir trouvé un certain réconfort en participant à des ateliers et réunions organisés par des ONG qui militent pour la justice transitionnelle au pays comme la Impunity Watch et SOS Justice, la fondation Panzi du docteur Denis Mukwege et autres.
“Les enseignements que nous donnent les organisations font renaître en nous un espoir”, affirme Claude Dunia.
Comme d’autres victimes éparpillées dans la région, Claude et Ntakwinja plaident ensemble pour que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice et que réparation s’en suive.
“Nous demandons un appui matériel, car je n’ai pas les moyens d’aider ma famille restée au village”, ajoute Claude.
Ntakwinja, quant à elle, insiste sur la nécessité d’un logement stable pour elle et ses enfants, qui ne sont pas scolarisés.
“Mon cœur saigne. Il est crucial que la vérité soit connue et que justice soit rendue”, déclare-t-elle
Les deux témoins appellent également à la création de monuments en mémoire des victimes et à l’intégration de ces événements dans les programmes scolaires, afin que les générations futures se souviennent de ces tragédies.