Les massacres commis dans la province du Sud-Kivu depuis les années 1995 ont fait plusieurs victimes. Ces victimes directes et indirectes comptés en millions continuent à appeler les autorités à agir pour que les responsables de ces atrocités répondent de leurs actes.
Au cours de l’émission Chronique sur la justice transitionnelle, organisée la dernière semaine du mois de décembre 2024 par le Réseau des journalistes pour la justice transitionnelle section du Sud-Kivu, certaines victimes ont encore une fois trouvé un espace pour exprimer leur douleur « persistante » et dénoncer l’absence de la justice en leur faveur.
Au cours de cette émission qui a rassemblé quelques victimes et les acteurs de la société civile engagés dans la question de justice transitionnelle, grâce à l’appui financier de Impunity watch, les participants ont réclamé avec insistance la mise en place d’une justice transitionnelle, afin de juger les auteurs des atrocités et leur faire payer leurs crimes conformément aux lois en vigueur en République Démocratique du Congo.
Au nom d’autres victimes, Bora Jeannette, a rappelé la souffrance de milliers de familles affectées par ces atrocités. Bora a perdu son frère en 1996, abattu avec un ami dans leur salon et depuis lors, elle n’a jamais obtenu justice. Pendant l’émission chronique sur la justice transitionnelle, Bora est revenu sur la souffrance vécue par d’autres victimes des violences qui ont secouées la zone et qui sont aujourd’hui sont délaissées sans soutien institutionnel.
» Il y a plusieurs victimes ici, qui ont perdu leurs proches, tués ou violés. Que le gouvernement prenne ses responsabilités, qu’il lance des enquêtes, retrouve les responsables et que nous soyons indemnisés » a insisté Bora Jeannette.
Comme d’autres victimes, malgré les années de souffrance et de marginalisation, Bora garde l’espoir d’une véritable justice transitionnelle qui pourrait soulager sa peine.
» Si les auteurs de ces crimes reconnaissent et répondent de leurs actes, nous pouvons trouver du soulagement après toutes ces années » a-t-elle confié.
Le professeur Espoir Amani, est Président des victimes de la commune d’Ibanda à Bukavu. Dans son intervention dans l’émission chronique sur la justice transitionnelle, il a déploré le retard dans l’application de la justice transitionnelle. Selon lui, le gouvernement congolais tarde à agir malgré les appels des victimes et des acteurs sociaux engagés dans la défense des droits humains.
« Le gouvernement ne veut pas avancer », s’indigne-t-il,
Soutenant l’existant des preuves qui attestent les crimes commis.
« Les enquêtes sont là, des fausses communes sont identifiées dans la région, mais le processus traîne. Où est le blocage ? » S’interroge le Professeur Espoir.
Il évoque la nécessité pour les victimes de connaître la vérité sur les événements passés, obtenir une réparation, une réconciliation, mais aussi une reconnaissance des mémoires des victimes.
» Comment un gouvernement responsable peut-il ignorer les fosses communes et le rapport mapping ? » s’indigne le président des victimes d’Ibanda.
Dans son intervention il a également exprimé sa crainte de voir que le retard dans la justice entraîne la disparition des traces des crimes commis.
À part les victimes, l’émission a rassemblé des acteurs de la société civile beaucoup plus engagés sur la question de justice transitionnelle. Stella Yanda, est actrice de la société civile et dirige l’organisation Alpha Ujuvi, qui soutient activement les victimes.
Dans son intervention, elle a insisté sur le fait que la justice transitionnelle doit être centrée sur les victimes et leurs revendications concrètes. Elle a souligné que l’absence d’une politique nationale de justice transitionnelle en RDC entrave les efforts des victimes et des organisations qui les soutiennent. Pour Stella Yanda, la justice transitionnelle doit impérativement reposer sur une politique nationale.
« La question de la justice transitionnelle ne doit pas être laissée aux seules organisations de la société civile, mais bien au gouvernement. À ce jour, cette justice n’existe pas encore, il n’y a que des tâtonnements » déplore-t-elle.
Mais Stella Yanda ne perd pas d’espoir. Elle souligne l’importance d’honorer la mémoire des victimes en mettant en place une justice nationale pour réparer les dommages entraînés par les auteurs des crimes.
» Nous espérons que l’actuel gouvernement s’impliquera davantage dans ce processus, car c’est lui qui a la compétence pour instaurer la justice transitionnelle » a martelé cette experte en matière de justice transitionnelle.
Il ressort des interventions de tous les participants à l’émission que la mutualisation des efforts est indispensable pour trouver réparation et ainsi apaiser les blessures qui déchirent les familles du Sud-Kivu. Les invités ont unanimement convenu que la reconnaissance des souffrances des victimes est essentielle.
Il faut dire que Impunity Watch, qui soutient financièrement le Réseau des Journalistes pour la Justice Transitionnelle au Sud-Kivu dans la production des émissions et articles de presse, est une organisation internationale à but non lucratif qui travaille avec les victimes de la violence pour déraciner des structures profondément enracinées d’impunité, accorder réparation pour les violations graves des droits de l’homme et promouvoir la justice et la paix.
Impunity Watch travaille actuellement en Amérique centrale, en Afrique du Nord et dans la région des Grands Lacs en Afrique, au Moyen-Orient et dans les Balkans occidentaux. Son siège se trouve à La Haye, aux Pays-Bas.